jeudi 25 août 2016

ADOPTION DE LA JOURNEE CONTINUE DE TRAVAIL, LE BENIN A L'ECOLE DU BURKINA FASO

Depuis le 6 Avril dernier, le Bénin est officiellement dans l'ère dite de la rupture et du nouveau départ. Une avalanche de réformes, un horde de remises en questions. Parmi les nombreuses réformes envisagées, l'une des plus importantes est celle concernant l'aménagement des horaires de travail et scolaires.
Dans cette voie, le Bénin ne sera pas avant-gardiste car le Burkina , pays limitrophe a déjà soulevé cette question. Dans l'ensemble la proposition semble emballer la classe politique et les administrés. Lisez  ci-dessous la proposition du Dr Noufou Ouedraogo :

Lorsque vous faites deux va-et-vient entre votre domicile et votre lieu de travail au lieu d’un seul va-et-vient :
-  vous doublez votre risque de subir des accidents de la circulation ;
-votre engin consommera deux fois plus de carburant, s’amortira deux fois plus vite et tombera en panne deux fois plus souvent ;
-  Vous risquez de vous fatiguer sans être vraiment productif ;
-  Vous avez deux fois plus de risque d’être en retard au travail ;
-  Vous avez deux fois plus de risque de vous absenter du travail tout simplement (vous pourriez vous absenter le matin ou l’après-midi).
Je pense que les journées de travail continues (instaurées de façon permanente et pas seulement pendant les fêtes) seraient une mesure très salutaire au Burkina Faso. Je suis convaincu qu’en les instaurant sur toute l’étendue du territoire nationale, nous pourrons sauver des centaines, voire des milliers de vies humaines par an. En effet, je considère que les Burkinabès n’ont pas à faire deux fois le va-et-vient quotidien entre leurs domiciles et leurs lieux de travail.
Actuellement, nous avons des heures de pointe quatre fois par jour ouvrable au Burkina : le matin, à la descende de midi, juste avant la reprise de l’après-midi et à la descente le soir. En passant à la journée de travail continue, nous aurons seulement deux fois des heures de pointe par jour : le matin et à la descente. Très logiquement cela contribuera significativement à baisser le nombre d’accidents de la circulation. Et rien que cela serait extraordinairement bien !
Mais en plus du fait que les journées continues peuvent contribuer à sauver des centaines, voire des milliers de vies humaines, elles permettront également aux travailleurs de faire des économies au niveau du carburant et des frais de transport en général. Si vous économisez un demi-litre d’essence par jour, cela vous ferait environ dix mille francs d’économies par mois. Pour beaucoup de foyers au Burkina, une telle économie n’est pas négligeable !
Il faut noter que la journée de travail telle qu’elle est aménagée présentement date probablement des années 60 au moment où nos villes étant très petites et les distances parcourues pour se rendre sur les lieux de travail étaient très faibles. De nos jours, la ville de Ouagadougou par exemple s’est tellement étendue qu’il n’est pas rare de voir des travailleurs parcourir plus de quinze kilomètres par trajet simple pour se rendre à leurs lieux de travail. Multipliez cela par quatre et vous aurez soixante kilomètres à parcourir par jour ouvrable. En soi, parcourir une telle distance à vélo ou à moto sous un soleil de plomb constitue déjà du travail (les travailleurs Burkinabès dans leur majorité n’ont pas de voitures). Mais il s’agit d’un travail ou un effort non productif, pendant lequel vous risquez de faire des accidents de la circulation, en plus de subir la poussière ou la pluie. Pendant ce temps, votre engin consomme du carburant et s’amortit.
Beaucoup de travailleurs ont déjà compris les désagréments de tous ces va-et-vient et passent la pause entre midi et quinze heures sur leurs lieux de travail. Mais les travailleurs ont-ils vraiment besoin d’une aussi longue pause ? J’en doute.
En fait, je vois en la journée de travail continue d’autres avantages. En effet, lorsque vous finissez le travail à 15:00 ou à 15 :30 par exemple :
-  vous aurez plus de temps pour aider vos enfants à faire leurs devoirs de maison. Il est bien connu que l’implication des parents dans l’éducation scolaire des enfants contribue à leur réussite. Je suggère au passage que les journées continues s’appliquent également à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur ;
-  Vous aurez également plus de temps pour faire des travaux ménagers ;
-  Vous aurez plus de temps pour faire du sport ou pour profiter d’autres loisirs ;
-  Vous aurez plus de temps pour faire le marché avant de rentrer chez vous et les commerçants auront de ce fait une plus grande clientèle à la descente.
En plus des avantages pour les travailleurs, les journées de travail continues présentent également des avantages pour les employeurs :
-  Premièrement, le fait que le personnel prenne son déjeuner sur le lieu de travail contribue à instaurer et à renforcer une culture d’entreprise positive. En effet, pendant leur pause-déjeuner sur le lieu de travail, les travailleurs développent des relations interpersonnelles propices à la collaboration, et aux échanges d’idées et de connaissances. En fait, la pause-repas est un moment propice d’échanges informels entre personnel pendant lequel des idées et solutions novatrices concernant le travail sont souvent générées. En management, il est bien connu qu’une culture d’entreprise forte, faite de cohésion, de confiance et de partage d’idées, constitue un facteur clé de compétitivité organisationnelle ;
-  Deuxièmement, lorsque votre personnel reprend le travail l’après-midi pour seulement une durée de deux heures et demie, cela n’est pas vraiment productif. En fait, la plupart du temps le service commencera véritablement avec un peu de retard et le personnel s’apprêtera à quitter le travail au moins quelques minutes avant l’heure officiel de descente ;
-  Troisièmement, la productivité de l’ensemble du personnel pourrait augmenter car les journées de travail continues contribueront à diminuer les retards des après-midi étant donné que le personnel ne quittera pas véritablement le lieu de travail et reprendra alors le service très probablement à temps ;
Les clients et les usagers bénéficieraient également des journées continues. Actuellement, il n’est pas rare de voir dans les services publiques des usagers qui, n’ayant pas pu se faire servir le matin, attendent jusqu’à l’heure de la reprise à quinze heures. Avec les journées continues, ils n’auraient alors qu’à attendre au maximum une heure et le service reprendrait.
Il faut noter qu’on n’a pas nécessairement besoin de restaurants d’entreprise pour instaurer les journées de travail continues. Certains travailleurs apporteront leurs repas au travail. Il suffira juste d’installer des fours micro-ondes pour que le personnel puisse réchauffer son repas en environ deux minutes. De même, il y a beaucoup de restaurants qui proposent des menus à des prix relativement abordables un peu partout dans les villes au Burkina.
Il faut également signaler que les journées de travail continues ne remettent pas nécessairement en question la durée hebdomadaire de travail. Il s’agit tout simplement d’un réaménagement des heures de travail au cours de la journée, sans remettre en cause le nombre total d’heures de travail par semaine.
Je suis sincèrement convaincu que les journées de travail continues répondent très bien aux besoins et attentes des travailleurs et des employeurs (y compris l’Etat bien entendu). Cependant, les acteurs concernés sont habitués à l’aménagement de la journée de travail tel qu’il est aujourd’hui. Mais ce n’est pas parce qu’on a l’habitude de faire quelque chose d’une certaine façon que c’est forcément la meilleure des façons.
Je propose donc que le gouvernement et les organisations syndicales se concertent dans le but d’instaurer la journée de travail continue au Burkina Faso. Il y va de l’intérêt de tous, je pense.
Dr. Noufou Ouédraogo
Enseignant-Chercheur
Sur lefaso.net