Connaissez-vous le trac ?
C'est d'abord l'angoisse, que tout le monde connaît et qui se localise tantôt à la gorge, tantôt dans la région du coeur, tantôt au creux de l'estomac; elle est souvent accompagnée d'une sensation d'étouffement et de constriction thoracique.
La sensation de palpitations est fréquente. Les troubles circulatoires sont ressentis comme une bouffée de chaleur au visage. On note parfois un malaise physique indéfinissable.
Le plus appréciable des symptômes moteurs est le tremblement, qui affecte de préférence les bras, les
mains, les mollets, la langue, et peut, dans certains cas, devenir généralisé.
Il existe aussi un certain degré de faiblesse et de raideur musculaire: chez le pianiste intimidé les doigts peuvent se raidir au point de rendre l'exécution impossible. Chez le violoniste, les doigts se crispent, se déplacent, et le son monte.
La raideur musculaire qui se produit au moment de l'émotion donne lieu au phénomène suivant, signalé par Hartenberg: si dans une rue déserte, on est sur le point de croiser un passant qui vient en sens inverse sur le même trottoir, et si on le regarde fixement, il n'est pas rare qu'au moment du croisement l'inconnu laisse traîner une ou plusieurs fois son talon sur le sol: c'est un timide troublé par le regard fixe et chez qui une ébauche d'émotions a provoqué une raideur subite des jambes.
L'émotion peut provoquer de l'incoordination musculaire; les mouvements perdent leur harmonie; le timide n'a plus le contrôle de ses gestes; il devient gauche et maladroit; ses pieds se prennent dans le tapis, il se heurte aux meubles, fait rouler son chapeau par terre, en voulant le relever casse un bibelot. Au buffet il renverse sa tasse de thé ou sa coupe de champagne sur la robe de sa voisine, il ne sait plus ni marcher ni s'asseoir, ni que faire de ses pieds, de ses mains, de toute sa personne.
Les troubles de l'élocution sont fréquents; ils relèvent d'une quadruple cause:
- psychique (confusion mentale)
- laryngée (spasme des cordes vocales)
- respiratoire (dyspnée) - linguale et labiale.
Le timide présente, au moment de l'accès, des troubles de l'idéation, en même temps que ses cordes
vocales se crispent, et dans certains cas refusent tout service, occasionnant un véritable mutisme.
La respiration devient plus rapide, le chanteur a du mal à tenir sa note, à filer les sons, il se sent essoufflé, la
voix s'affaiblit et souvent détonne.
L'orateur trébuche dans ses périodes, la langue, les lèvres, les joues participent aux troubles musculaires; la langue a perdu sa souplesse, les lèvres tremblent, d'où hésitation, bredouillement, bégaiement.
1 Le trac des examens
Les variétés de trac sont nombreuses. Nous allons passer en revues les plus fréquentes.
Trac des examens tout d'abord. Bien peu de candidats y ont échappé. Rappelez-vous, timides, le calvaire des concours, la détresse infinie de tout l'être devant l'impuissance à rassembler les idées, à retrouver les souvenirs. A la première question, on voit le candidat pâlir, s'embrouiller dans les phrases les plus simples, qu'il n'arrive pas à terminer. Un examinateur malveillant peut lui faire dire les sottises les plus invraisemblables. "Le Rhône se jette bien dans la Manche ?... -- Oui Monsieur !" répondait un jour à un examen Anatole France intimidé.
Il arrive que le timide, pour masquer son trouble ou pour triompher, parle sans discontinuer, parfois avec brusquerie, et prend une attitude agressive. Il semble se moquer et indispose son examinateur, alors qu'au fond il a perdu tout contrôle.
Et vous, automobiliste, ancien aspirant au permis de conduire, évoquez vos souvenirs plus ou moins
récents. Souvenez-vous de ce jour mémorable où, après une attente prolongée et une conversation qui
roulait sur la sévérité de plus en plus grande de l'examen, l'ingénieur vous invita à prendre place près de lui.
Vous qui étiez si fier de la façon dont vous aviez conduit les jours précédents, vous considériez ce jour-là avec anxiété tous les organes de manoeuvre.
Jamais, au grand jamais, votre voiture n'avait possédé tant de boutons, de commandes, de pédales, de
cadrans !
Essayons tout de même de partir !... Après quelques tâtonnements, on retrouve le bouton du démarreur.
Le démarreur tourne longtemps sans résultat... "
- Vous avez oublié de mettre le contact..." Vous faites un bond brutal, et la voiture s'immobilise... "
- Il faut penser au frein à main..." Puis vous partez délibérément..,
en marche arrière... Vous appuyez à fond sur l'accélérateur quand vous auriez voulu freiner. Vous calez votre moteur un certain nombre de fois, et l'ingénieur vous prie de vouloir bien repasser un mois plus tard, après avoir reçu quelques leçons supplémentaires. Et pourtant, quand vous étiez seul, tout allait si bien !
Le trac vous a paralysé !
2 Le trac des artistes
Certains artistes - mais ils sont rares ceux-là tiennent à leur trac et le considèrent comme un élément
nécessaire qui leur permet de développer au maximum toutes leurs qualités et de faire passer leur émotion jusqu'au plus profond de l'âme des spectateurs, tel Signoret, dont vous avez souvent applaudi le merveilleux talent.
A mes questions, Signoret répondit: "Le trac est une maladie qu'il faut avoir. Il faut plaindre les artistes qui ne l'ont pas. Voyez-vous, Monsieur, je pense que le trac est en corrélation exacte de l'importance qu'un artiste donne à son art. C'est vous dire que j'ai toujours eu le trac, que je l'ai encore, et que j'espère l'avoir toujours.
Je ne regrette pas de souffrir un peu de cette terrible maladie qui, heureusement, n'est que passagère. Je ne le regrette pas car je bénéficie presque toujours d'une rapide et bienfaisante réaction qui me conduit vers le SUCCES".
Il est fort probable que Signoret n'a jamais connu le vrai trac, le trac qui fait bondir le coeur, coupe la
respiration, rend aphone, fait un trou béant dans la mémoire. Mais il est un trac léger, une émotion presque inévitable qu'un bon artiste ressent au moment de paraître en public et qui, loin d'être nuisibles lui donnent une sensibilité plus vive, une compréhension plus poussée du rôle, et lui permettent de jouer avec plus de brio. L'acteur est comme grisé. Si donc le vrai trac est un désastre sur la scène, une certaine émotion doit être considérée comme utile et jamais nous ne chercherons à détruire cette émotion.
C'est sans doute ce premier degré de trac auquel Signoret fait allusion; dans ce cas je me déclare
pleinement d'accord avec lui.
Edmée Favart, tout en souffrant du trac, en considère surtout le côté utile: c'est, sans qu'elle s'en doute, un moyen indirect de lutter contre lui.
"Le trac, dit-elle, maladie des débutants, pense le commun des mortels. Quelle erreur ! Il s'accroît au
contraire avec la notoriété: plus on monte en grade, plus on en est la victime. La grande Sarah Bernhardt elle-même en a souffert jusqu'à son dernier jour. Ceci est très explicable: la responsabilité de la bataille étant réservée au général et non aux soldats".
"Ainsi que l'a enseigné Coué, on peut arriver à maîtriser le trac par l'éducation psychique. Pour ma part, je crois que nous devons subir ce divin supplice : il est un stimulant qui nous incite à mieux faire."
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C'est d'abord l'angoisse, que tout le monde connaît et qui se localise tantôt à la gorge, tantôt dans la région du coeur, tantôt au creux de l'estomac; elle est souvent accompagnée d'une sensation d'étouffement et de constriction thoracique.
La sensation de palpitations est fréquente. Les troubles circulatoires sont ressentis comme une bouffée de chaleur au visage. On note parfois un malaise physique indéfinissable.
Le plus appréciable des symptômes moteurs est le tremblement, qui affecte de préférence les bras, les
mains, les mollets, la langue, et peut, dans certains cas, devenir généralisé.
Il existe aussi un certain degré de faiblesse et de raideur musculaire: chez le pianiste intimidé les doigts peuvent se raidir au point de rendre l'exécution impossible. Chez le violoniste, les doigts se crispent, se déplacent, et le son monte.
La raideur musculaire qui se produit au moment de l'émotion donne lieu au phénomène suivant, signalé par Hartenberg: si dans une rue déserte, on est sur le point de croiser un passant qui vient en sens inverse sur le même trottoir, et si on le regarde fixement, il n'est pas rare qu'au moment du croisement l'inconnu laisse traîner une ou plusieurs fois son talon sur le sol: c'est un timide troublé par le regard fixe et chez qui une ébauche d'émotions a provoqué une raideur subite des jambes.
L'émotion peut provoquer de l'incoordination musculaire; les mouvements perdent leur harmonie; le timide n'a plus le contrôle de ses gestes; il devient gauche et maladroit; ses pieds se prennent dans le tapis, il se heurte aux meubles, fait rouler son chapeau par terre, en voulant le relever casse un bibelot. Au buffet il renverse sa tasse de thé ou sa coupe de champagne sur la robe de sa voisine, il ne sait plus ni marcher ni s'asseoir, ni que faire de ses pieds, de ses mains, de toute sa personne.
Les troubles de l'élocution sont fréquents; ils relèvent d'une quadruple cause:
- psychique (confusion mentale)
- laryngée (spasme des cordes vocales)
- respiratoire (dyspnée) - linguale et labiale.
Le timide présente, au moment de l'accès, des troubles de l'idéation, en même temps que ses cordes
vocales se crispent, et dans certains cas refusent tout service, occasionnant un véritable mutisme.
La respiration devient plus rapide, le chanteur a du mal à tenir sa note, à filer les sons, il se sent essoufflé, la
voix s'affaiblit et souvent détonne.
L'orateur trébuche dans ses périodes, la langue, les lèvres, les joues participent aux troubles musculaires; la langue a perdu sa souplesse, les lèvres tremblent, d'où hésitation, bredouillement, bégaiement.
1 Le trac des examens
Les variétés de trac sont nombreuses. Nous allons passer en revues les plus fréquentes.
Trac des examens tout d'abord. Bien peu de candidats y ont échappé. Rappelez-vous, timides, le calvaire des concours, la détresse infinie de tout l'être devant l'impuissance à rassembler les idées, à retrouver les souvenirs. A la première question, on voit le candidat pâlir, s'embrouiller dans les phrases les plus simples, qu'il n'arrive pas à terminer. Un examinateur malveillant peut lui faire dire les sottises les plus invraisemblables. "Le Rhône se jette bien dans la Manche ?... -- Oui Monsieur !" répondait un jour à un examen Anatole France intimidé.
Il arrive que le timide, pour masquer son trouble ou pour triompher, parle sans discontinuer, parfois avec brusquerie, et prend une attitude agressive. Il semble se moquer et indispose son examinateur, alors qu'au fond il a perdu tout contrôle.
Et vous, automobiliste, ancien aspirant au permis de conduire, évoquez vos souvenirs plus ou moins
récents. Souvenez-vous de ce jour mémorable où, après une attente prolongée et une conversation qui
roulait sur la sévérité de plus en plus grande de l'examen, l'ingénieur vous invita à prendre place près de lui.
Vous qui étiez si fier de la façon dont vous aviez conduit les jours précédents, vous considériez ce jour-là avec anxiété tous les organes de manoeuvre.
Jamais, au grand jamais, votre voiture n'avait possédé tant de boutons, de commandes, de pédales, de
cadrans !
Essayons tout de même de partir !... Après quelques tâtonnements, on retrouve le bouton du démarreur.
Le démarreur tourne longtemps sans résultat... "
- Vous avez oublié de mettre le contact..." Vous faites un bond brutal, et la voiture s'immobilise... "
- Il faut penser au frein à main..." Puis vous partez délibérément..,
en marche arrière... Vous appuyez à fond sur l'accélérateur quand vous auriez voulu freiner. Vous calez votre moteur un certain nombre de fois, et l'ingénieur vous prie de vouloir bien repasser un mois plus tard, après avoir reçu quelques leçons supplémentaires. Et pourtant, quand vous étiez seul, tout allait si bien !
Le trac vous a paralysé !
2 Le trac des artistes
Certains artistes - mais ils sont rares ceux-là tiennent à leur trac et le considèrent comme un élément
nécessaire qui leur permet de développer au maximum toutes leurs qualités et de faire passer leur émotion jusqu'au plus profond de l'âme des spectateurs, tel Signoret, dont vous avez souvent applaudi le merveilleux talent.
A mes questions, Signoret répondit: "Le trac est une maladie qu'il faut avoir. Il faut plaindre les artistes qui ne l'ont pas. Voyez-vous, Monsieur, je pense que le trac est en corrélation exacte de l'importance qu'un artiste donne à son art. C'est vous dire que j'ai toujours eu le trac, que je l'ai encore, et que j'espère l'avoir toujours.
Je ne regrette pas de souffrir un peu de cette terrible maladie qui, heureusement, n'est que passagère. Je ne le regrette pas car je bénéficie presque toujours d'une rapide et bienfaisante réaction qui me conduit vers le SUCCES".
Il est fort probable que Signoret n'a jamais connu le vrai trac, le trac qui fait bondir le coeur, coupe la
respiration, rend aphone, fait un trou béant dans la mémoire. Mais il est un trac léger, une émotion presque inévitable qu'un bon artiste ressent au moment de paraître en public et qui, loin d'être nuisibles lui donnent une sensibilité plus vive, une compréhension plus poussée du rôle, et lui permettent de jouer avec plus de brio. L'acteur est comme grisé. Si donc le vrai trac est un désastre sur la scène, une certaine émotion doit être considérée comme utile et jamais nous ne chercherons à détruire cette émotion.
C'est sans doute ce premier degré de trac auquel Signoret fait allusion; dans ce cas je me déclare
pleinement d'accord avec lui.
Edmée Favart, tout en souffrant du trac, en considère surtout le côté utile: c'est, sans qu'elle s'en doute, un moyen indirect de lutter contre lui.
"Le trac, dit-elle, maladie des débutants, pense le commun des mortels. Quelle erreur ! Il s'accroît au
contraire avec la notoriété: plus on monte en grade, plus on en est la victime. La grande Sarah Bernhardt elle-même en a souffert jusqu'à son dernier jour. Ceci est très explicable: la responsabilité de la bataille étant réservée au général et non aux soldats".
"Ainsi que l'a enseigné Coué, on peut arriver à maîtriser le trac par l'éducation psychique. Pour ma part, je crois que nous devons subir ce divin supplice : il est un stimulant qui nous incite à mieux faire."
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